Démographie congolaise au milieu du XXe siècle

1954 : le Congo est encore belge. La décision est prise par l'administration
coloniale de réaliser une enquête démographique de grande envergure par voie
d’échantillonnage. L’opération de terrain est réalisée entre 1955 et 1957, et
elle sera largement un succès, grâce à une excellente collaboration, non
seulement de l’administration coloniale, mais aussi des autorités coutumières
et plus généralement de la population dans son ensemble. La taille de cette
enquête est réellement exceptionnelle, avec pas moins de 1 400 000 habitants
interrogés, représentant environ 11 % d’une population totale estimée à
l’époque à 13 millions. Grâce à un plan d’échantillonnage stratifié
soigneusement préparé et au recours à des équipes d’enquêteurs constituées
d’autochtones connaissant bien les pratiques locales et les us et coutumes des
habitants, la population fut mise en confiance et les renseignements collectés
d’une bonne qualité. Qui plus est, l’analyse démographique des résultats,
notamment ceux en rapport avec les comportements matrimoniaux et de fécondité,
gagna beaucoup en précision et en finesse. Que nous apprenait cette enquête à
l’époque où elle fut réalisée et quel intérêt présente-t-elle encore
aujourd’hui ? D’abord, contrairement aux hypothèses de dénatalité qui
circulaient avant l’indépendance, l’enquête mit en évidence l’existence d’une
croissance démographique rapide, de l’ordre de 2 à 2,5 %, avec un doublement
attendu de la population en une trentaine d’années. Ensuite, elle permit de
faire une nette distinction entre les zones rurales et urbaines, ces dernières
connaissant une croissance réellement explosive liée à une natalité forte
conjuguée à une mortalité faible. Enfin, elle apporta des informations qui
faisaient cruellement défaut et assura donc, dans une certaine mesure, la
transition entre l’époque coloniale et celle de la République démocratique du
Congo. Cinquante ans plus tard, l’enquête démographique de 1955-1957 a surtout
un intérêt historique, dans la mesure où les connaissances sur la dynamique
des populations des pays en voie de développement ont beaucoup progressé, et
où la démographie du Congo ex-belge a également elle-même fortement évolué en
un demi-siècle. Mais il est intéressant de se rendre compte que des chercheurs
audacieux ont réussi, il y a déjà cinquante ans, sans ordinateur et dans des
conditions certes moins favorables, à réaliser des opérations de collecte des
données que beaucoup de nos contemporains n’oseraient plus entreprendre de nos
jours. À ce titre, Anatole Romaniuk a été un des pionniers de l’enquête
démographique dans un contexte difficile. La réédition de cet enquête nous
replonge au coeur de la démographie congolaise du milieu du XXe siècle et
apporte un instrument de connaissance utile à tous les démographes intéressés
par l’Afrique, qu’ils soient des apprentis en cours de formation ou des
spécialistes reconnus.