Clara

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Une lectrice sans prétention, amoureuse de la vie qui habite au bout du monde (ou presque). Et un blog pour parler lectures : http://claraetlesmots.blogspot.fr

Au Diable Vauvert

20,00
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16 octobre 2019

Après une enfance sans manquer d'argent mais sans en avoir de trop, Alice se démène pour joindre les deux bouts avec son salaire de vendeuse dans un magasin de chaussures. Elle en a marre de devoir toujours compter et calculer, d'être toujours "trop juste". Comble de malchance pour elle, le magasin met la clé sous la porte. Comment faire pour payer de quoi à manger à son fils, comment régler son loyer ? Elle pense avoir trouvé la solution à ses problèmes d'argent, ne reste plus qu'à l'exécuter.
Tom lui galère en étant qu'écrivain. Ses livres ne se vendent pas ou trop peu, sa femme vient de le quitter. Il continue de croire qu'un jour son génie littéraire éclatera au grand jour et lui permettra de couler des jours heureux et paisibles. Si le plan d'Alice fonctionne au départ rapidement, elle se retrouve embarquée dans une situation qui la dépasse et la met sur la route de Tom.
Thomas Gunzig égratigne avec cynisme le monde de l'édition et tout ce qui gravite autour. Mais ce livre est surtout un roman social très révélateur d'une précarité, des injustices et des inégalités sans être plombant. On sourit et on tourne les pages avec envie et entrain ! Relevé, drôle et légèrement barré, ce roman est surprenant. Il joue sur les codes du feel good, dévoile pour notre plus grand plaisir les coulisses du monde littéraire actuel et met le doigt sur la souffrance bien réelle de ses personnages. C'est parfaitement réussi !

21,80
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7 octobre 2019

Hiver 1956. À vingt-deux ans, François Sandre a la fougue de la jeunesse et l'avenir pour lui. Victime d'un accident, les médecins ne sont guère optimistes à son sujet. Grièvement brûlé, il doit sa survie à une amputation des deux bras.

Je pourrais juste vous dire que cette histoire est tout simplement magnifique et que l'écriture de Valentine Goby n'a jamais été aussi somptueuse. Mais ce livre est beaucoup plus pour moi. Il ne m'a pas quittée pendant plusieurs jours et j'ai eu ce sentiment qu'il m'accompagnait partout. François a peuplé mes nuits, il a été avec moi à chaque instant. Ce que son corps lacunaire lui imposait et ce dont il le priverait à jamais, les embûches, son quotidien et ses questions m'ont habitées intensément.

Malgré son invalidité, François veut retrouver une autonomie et Organisation sportive des mutilés lui permet de se redécouvrir dans des bassins d'eau chlorée. Il apprend à nager. Les muscles endoloris par l'effort, il apprivoise sa respiration et découvre des sensations autres car l'eau a ce pouvoir de brouiller les stigmates et les handicaps.

Valentine Goby nous immerge dans l'histoire d'une métamorphose et retrace la naissance de l'handisport. J'ai vécu une histoire d'amour avec ce roman, j'ai eu le cœur broyé et malaxé, des poissons d'eau dans les yeux et surtout un respect immense pour François et ses compagnons d'infortune. Des personnes qui se hissent pour la vie, se dépassent, franchissent de grands obstacles tout comme la souffrance et le regard des autres.

Tout en étant extrêmement bien documenté, ce récit évite tout pathos car Valentine Goby fait preuve d'une finesse intelligente et éblouissante par son style, par sa capacité à rendre l'indicible et les ressentis.
Cette lecture lumineuse m'a nourrie et enrichie, symbiose parfaite d'une histoire et d'une écriture.

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/10/valentine-goby-murene.html

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4 octobre 2019

Après le démantèlement de la jungle de Calais, Lucille ex-institutrice investie auprès des migrants a tout plaqué. Elle trouve refuge chez Anatole, chasseur solitaire passionné par les oiseaux qu'il sculpte sans grand succès à qui elle loue une caravane. Un jour débarque Loïk, un ancien détenu impulsif et pas très causant sur son passé tourmenté. Entre Gravelines et Calais, ces trois personnages cohabitent sur un terrain à l'écart de tout.

Pascal Dessaint s'attache à dépendre le quotidien de ces trois personnages cabossés par la vie et à ces liens qui se créent entre eux. J'ai retrouvé les décors et la géographie du roman Le chemin s'arrêtera là avec l'iode, les embruns qui vous fouettent le visage, les dunes et la nature. Même géographie donc mais une atmosphère un peu différente et moins noire. Et pour moi, il y a un peu de Marie-Sabine Roger Sabine et de Michel Quint dans ce nouveau roman de Pascal Dessaint.

L'écriture concise capte les nuances et décrit à merveille la nature environnante. Avec des dialogues souvent savoureux émaillés de répliques de Jean Gabin, des extraits de chanson de Jean-Patrick Capdevielle, Pascal Dessaint dresse des portraits qui m'ont touchée. Les zones d'ombre et les cassures qui se dessinent contrastent avec la pudeur à fleur et la solidarité dont tous les trois font preuve. Ces personnages attachants, fragilisés sont baignés d'une humanité qui fait chaud au cœur malgré leurs erreurs et leurs faiblesses.
Un roman social sombre mais teinté d'une nostalgie bienveillante.

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30 septembre 2019

Cité du 11-Décembre-1960 de Dely Brasilia en Algérie, Jamyl, Mahdi et Inès, des enfants du quartier s’occupent en jouant au foot sur un terrain vague. La cité construite en 1987 a vu leurs aînés en faire leur terrain de jeu. Mais un jour de février 2016, deux généraux en fin de carrière débarquent avec l’intention de se l’approprier pour y construire leurs maisons. Certains des adolescents se rebellent, encouragés par Adila une ancienne moudjahida militante de l’indépendance algérienne. Ils ne veulent pas se laisser faire même contrairement à leurs parents qui vivent avec la crainte d'éventuelles repérésailles. Et si le courage innocent, presque puéril, était l’étincelle qui met le feu aux poudres pour se lever contre un système gangréné ? Sous l’impulsion des adolescents, le terrain devient un emblème fédérateur pour les habitants du quartier .

Si l’auteure évoque l’indépendance de l’Algérie à travers notamment le personnage d’Adila une femme forte et respectée, elle revient principalement sur l’évolution politique récente de ce pays. À travers la voix d’Adila et ses souvenirs, j’ai découvert les émeutes de 1988 durant lesquelles l’armée a ouvert le feu sur des manifestants, mais aussi l’émergence du groupe islamique armé, les attentats qui ont semé la terreur et la violence. Kaouther Adimi dresse également le portrait d’un pays entre passé et présent où les mentalités ont du mal à s’émanciper du poids culturel et de celui des traditions, et où les voix politiques discordantes tentent de s’élever.

Loin d’être rébarbatif, ce contexte politique est très instructif mais j’ai trouvé que l’auteure se répétait un peu dans sa trame. Mais si le personnage d’Adila est étoffé, les autres personnages sont un peu moins aboutis à mon sens car brossés dans les grandes lignes. Au fil des pages, ce roman prend l’allure d’une fable.

Sans en dévoiler de trop, il m’a manquée une histoire plus conséquente, une empathie et des émotions. Au final, je retiendrai ce vent engendré par une nouvelle génération portée par l’envie de changement et de renouveau. Et même si quelquefois les vents dominants sont les plus forts, l’espoir est bien là. Peut-être fragile mais lumineux.

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27 septembre 2019

Londres. Après la naissance récente de son deuxième enfant, Melissa a quitté son emploi pour travailler en free-lance. Avec son compagnon Mickael, ils viennent d'aménager dans leur nouvelle maison. Tout pourrait être rose ou devrait d'être mais non. L'équilibre est devenu une illusion pour Mélissa qui jongle entre les enfants et les tâches domestiques. Chez leurs amis Damian et Stephanie, habitants dans la campagne londonienne, Damian est englué dans son quotidien sans pouvoir l'expliquer depuis la mort de son père. Sa femme Stephanie le pousse à se ressaisir mais c'est en vain.

Les deux couples, solides en apparence, s'effritent. Les ambitions et les aspirations se voient désormais étouffées par une envie de changement et la lassitude. Seule Stephanie dont le bonheur de ses enfants passent avant tout semble maintenir son cap. Si on est plongé dans les affres et les tourments de ces deux couples ordinaires de la classe moyenne, l'auteure y ajoute subtilement une autre équation celle des origines sans que ce se soit le socle de ce roman. Quelles sont les aspirations de ses personnages à la peau de couleur alors que Barak Obama vient d'être élu ? Damian, enfant, a baigné dans les discours engagés de son père tandis que Mickael rêve d'une plus grande égalité.

Ce roman fourmille de détails sans saouler le lecteur est comporte des réflexions très intéressantes sur la crise identitaire, le couple et le mariage. Avec des pointes d'un humour acéré et une écriture qui m'a littéralement aspirée par sa vivacité, Diana Evans radiographie le couple moderne avec beaucoup de nuances et c'est très, très bien vu.