Ponant

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24 février 2018

De varsovie à New York

Après s'être prostituée pendant plusieurs années, Keila, une jeune juive polonaise, aspire à une vie simple et honnête. Elle a épousé Yarmi, un petit voleur qui semble bien vouloir se tenir à carreau et le couple file le parfait amour. Mais l'arrivée de Max, un ex co-détenu de Yarmi bouleverse ce bel équilibre. Il leur tourne la tête avec des combines fumeuses sensées rapporter beaucoup d'argent. Keila prend peur, elle ne veut pas retomber dans la fange et part chercher conseil auprès d'un rabbin. C'est Bumen, le fils du rabbin, qui va lui apporter l'aide dont elle a besoin.
En peignant le portrait et les péripéties de ces quatre personnages, le roman nous transporte au début du XXe siècle à la rencontre de la communauté hassidique installée dans un quartier populaire de Varsovie où la vie est rythmée par les rites et les fêtes religieuses.
Au delà de cette savoureuse immersion au coeur des traditions judéo-polonaises, Singer met en scène les faiblesses humaines, le conflit entre les aspirations idéales, le désir de renouveau et l'incapacité de se libérer de son destin.
Ce texte est initialement apparu sous forme de feuilleton entre 1976 et 1977 dans un journal new-yorkais. Ecrit en yddish, il a été traduit en anglais par le neveu de Singer mais sans être publié. Ce n'est qu'en 2011 qu'il est paru en hébreu puis en italien en 2017. Le voici désormais en français !

23,50
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9 février 2018

Evangelia (du grec, bonnes nouvelles) s'ouvre sur la naissance du divin enfant qui doit s'appeler Emmanuel et/ou Jésus mais... Surprise ! Le nouveau-né est une fille. Marie ne se démonte pas pour autant et la prénomme donc tout simplement Emmanuelle. Dépité, Dieu renvoie Gabriel retenter le coup de la fécondation miraculeuse mais à force de cafouillages il finit par se retrouver père de deux enfants, l'un de chair mais pas du bon sexe et l'autre d'essence mystérieuse et dont les tentatives de venue sur terre tournent toujours au fiasco. Et comme si ça n'était pas déjà assez compliqué, Joseph triche en faisant passer son second fils Jacob pour son premier né afin qu'il puisse prendre le rôle de sauveur. Là dessus Jacob, reconnu par Siméon comme l'Oint du Seigneur, décide de se faire appeler Jésus et part comme sa demi-soeur prêcher et faire des miracles à travers le pays. Jusqu'à ce qu'Emmanuelle soit crucifiée puis disparaisse dans la stratosphère…

Diable quelle histoire ! Et que Dieu me pardonne mais j'ai sacrément bien rigolé en découvrant cette réécriture très impertinente des évangiles. C'est tout simplement jubilatoire.
David Toscana y parodie l'histoire de Jésus en racontant les événements connus de tous ou presque, même sans avoir lu la bible, mais appréhendés d'un point de vue humoristique qu'aucun exégète n'oserait envisager. On y rencontre un Dieu pas si puissant que ça, jaloux des poètes grecs qu'il trouve bien meilleurs que lui, un Jésus méchant qui déteste ses disciples, un Saint Esprit pas bien inspiré et bien d'autres joyeusetés du même acabit. C'est tellement drôle que j'ai failli m'étrangler de rire à plusieurs reprises.
Mais j'imagine que Toscana n'a pas écrit Evangelia juste pour amuser ses lecteurs. S'il ne se moque pas, en soulignant les paradoxes et les zones d’ombre de la Bible, source inépuisable d’interprétations, il interroge sur le bien-fondé d'une pensée qui depuis des millénaires s'appuie sur des textes aussi peu crédibles. Et peut-être que son ambition est également de susciter l'envie de lire ou relire le vrai texte qui, quand même, est considéré comme une grande œuvre littéraire.
Le livre de Toscana, lui, est un chef d'œuvre de drôlerie à découvrir absolument !

une histoire des mères lyonnaises

Sabine Wespieser Éditeur

21,00
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5 février 2018

Un régal !

Un journaliste chargé d'écrire une série d'articles sur les mères lyonnaises part sur les traces de celles qui ont contribué à forger la renommée de la « capitale de la gastronomie » Accompagné d'une photographe du cru, il se livre à un travail d'investigation en rencontrant celles qui vivent encore ou ceux qui les ont connues, en récoltant photos et anecdotes, en puisant dans les archives pour raviver la mémoire de près d'un siècle d'histoire de ces cuisinières d'excellence.
Dans un astucieux mélange de fiction et de réalité mitonné avec grand soin, Catherine Simon ressuscite et immortalise quelques unes de ces cheffes avant la lettre qui ont su régaler aussi bien le populo que le beau monde, même pendant les heures sombres de l'occupation. Hasard du calendrier, la sortie de Mangées ne tombe que quelques jours après le décès de Paul Bocuse qui a débuté son apprentissage chez la plus célèbre d'entre elles, la plus "étoile-michelinée", la fameuse Mère Brazier.
Originalité de la construction, diversité des tons et des situations : Mangées se lit comme un roman bien fait pour mettre en appétit tous les gourmets et les gourmands mais aussi les simples curieux.

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2 février 2018

Qui sont ces jeunes filles à la beauté insolente qui en ce début des années 70 sillonnent les rues de Port-au-Prince à bord de la Buick du mystérieux Papa ?
C'est ce que nous découvrons sous le regard croisé d'un jeune garçon qui les observe, d'abord de loin puis de fort près, et de l'une d'entre elles qui écrit un journal intime. Enfin pas vraiment l'une d'entre elles car Marie Michèle ne fait pas partie de leur monde. Elle vient d'un milieu très privilégié, un "cercle doré" qu'elle déteste et fuit tant qu'elle peut en infiltrant la bande des filles.
Vues au travers du prisme de la jeunesse ou de l'inexpérience des deux adolescents, les jeunes filles paraissent superficielles ne pensant qu'à aller danser, se baigner, se chamailler et draguer mais cette façade de futilité cache une révolte, un refus de se laisser subordonner à une dictature. Elles sont les filles d'un peuple qui vit dans un monde de misère et de terreur où le danger de mourir, et pas seulement de chaud, est omniprésent. Pour survivre, échapper aux difficultés insurmontables de la vie quotidienne, elles ne disposent que de leur extraordinaire appétit de vivre et de leurs corps dont elles usent comme elles l'entendent. C'est leur seule solution mais sont-elles plus libres pour autant ?
Roman d'initiation et peinture de la société haïtienne sous le régime de Duvalier, Le Goût des jeunes filles est aussi un bel hommage de l'auteur aux femmes de son île natale, à sa culture et aussi plus largement à la poésie et la littérature.

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9 décembre 2017

L'histoire que nous conte Kei Miller prend sa source dans une vallée jamaïcaine où les esclaves affranchis se réfugièrent le matin de l'émancipation en 1838, Ce qui fut jadis un paradis verdoyant est devenu un ghetto de la banlieue de Kingstown où vivent des petites gens qui, s'ils ont été débarrassés des chaînes de l'esclavage, restent toujours victimes des clivages ethniques et sociaux marqués par les persécutions policières.
En fait, plusieurs histoires s'entremêlent dans ce récit qui navigue entre deux époques. Le fil d'Ariane guidant le lecteur à travers elles est tenu par une vielle femme rasta portant des locks et fumant de la ganja.
En racontant à son petit neveu l'incroyable exploit du pasteur Alexander Bedward, elle remonte le temps jusqu'à son enfance, quand elle n'était qu'une "tifi "( petite fille en créole) qui a vu de ses propres " zyeux "celui qui, par son pouvoir de lévitation entendait libérer le peuple du joug colonial. C'est en quelque sorte la naissance du mouvement rastafari en Jamaïque qu'elle évoque. En parallèle se noue une tragédie, un mystérieux "autoclapse", créant dès le début une tension dramatique intense, tension qui ne se relâche jamais. Le procédé est efficace et ferre impitoyablement le lecteur qui ne peut plus abandonner cette histoire.
J'avais quelques craintes avant d'entamer ma lecture car je me suis plusieurs fois cassé les dents sur des textes publiés par ma maison d'édition préférée. Elles se sont vite évanouies devant la simplicité de l'écriture de Kei Miller et la saveur des dialogues, pimentée et colorée qui fleure bon la Caraïbe.
Le titre de ce roman, tiré du Livre des Psaumes ( "Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion"), fait référence aux racines bibliques du rastafarisme. Si malheureusement il nous rappelle un tube disco, l'ambiance du roman est plutôt proche de celle des chansons de Bob Marley qui invitent le peuple à se battre pour ses droits à travers des thèmes aussi fondamentaux que la politique, l'esclavage, la religion et la pauvreté.