Nirliit

Juliana Léveillé-Trudel

La Peuplade

  • Conseillé par
    9 juin 2019

    La violence du grand Nord

    Ce livre à la couverture couleur crépuscule, au titre qui claque comme le cri
    d'un animal nasillard est de ces textes qui sont difficiles à refermer.
    Essayer de respirer à nouveau paisiblement, loin de la violence du Grand Nord
    est difficile après une telle lecture.
    A Salluit (" Les gens maigres "), une femme dialogue avec Eva, son amie morte.
    Elle vient du Sud, est enseignante et, comme les oies, revient chaque année
    pour travailler.
    Comme elle, des travailleurs saisonniers vont et viennent. Pour eux, mâles
    ouvriers, le va-et-vient se fait également dans le corps des jeunes femmes
    inuites; parfois même dans celui de fillettes. Ce sont des hommes de leur
    tribu, des parents, ou des proches qui se glissent en elle. Qu'importe si les
    nouveau-nés sortent du corps d'adolescentes trop jeunes pour être mères,
    puisque le village s'en occupera : "c'est si simple pour vous, l'adoption,
    vous avez le don de tout compliquer, mais pas l'adoption, et je vous aime
    tellement d'aimer les enfants des autres comme les vôtres, si simplement. "
    Ce que raconte cette prof à l'esprit de son amie Eva, tuée et jetée dans les
    eaux du fjord, c'est la violence, incroyable, de cette vie à Salluit. Des
    humains qui se choisissent, se quittent, refusent -parfois- d'appartenir à
    un(e) autre, trouvent normal de régler à coups de fusils les différents,
    admettent leurs responsabilités dans les meurtres qu'ils commettent sous
    emprise (alcool, drogue...) et tout cela sous l'œil des Blancs.
    Car ce que met en scène, dans une langue poétique, quelquefois argotiques,
    Juliana Léveillé-Trudel, c'est l'âpre vie des Inuits de Salluit. Oubliés du
    Canada après avoir été tués, déportés, parqués, niés dans leur mode
    d'existence même, par cet état qui les maintient sous perfusion.
    D'Eva, tuée comme tant d'autres femmes de Salluit, il ne reste à la narratrice
    que des souvenirs... une faille dans son cœur qui ne parvient pas à se
    refermer. Une béance encore plus violente pour Elijah, son fils, à la
    recherche du corps de sa mère et qui essaie d'être un père pour Cécilia,
    l'enfant qu'il a peut-être eu avec Maata, une femme libre, abimée depuis par
    un autre homme. Comme presque toutes les jeunes femmes inuites de Salluit...

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  • Conseillé par
    2 janvier 2019

    Sur les rives de la baie d’Ungawa au nord du Québec, la narratrice revient à Salluit, un village du nord du Québec, comme chaque été, s’occuper des enfants. Mais cette année, elle ne retrouve pas son amie Éva, assassinée, dont le fjord a englouti le corps.

    En s’adressant à son amie, elle dit tout son amour pour cette région, son attachement à cette nature et à ses habitants. La narratrice ne peut que se demander en voyant les enfants dont elle s’occupe ce qu’ils deviendront dans quelques années. Parce qu’il y a les fléaux modernes, les violence faites aux femmes et la fin de l’innocence qui arrive souvent bien trop vite chez les enfants. Bien sûr, elle n’est pas la seule blanche à venir mais son amour pour cette région est sincère.
    Avec ce cri du cœur pour le Grand Nord, l'auteure évoque les décisions (économiques et politiques) et décrit l'importation d'une culture qui a modifié le mode de vie des Inuits. Son propre désarroi et ses questionnements se font sentir et c'est poignant. Un portrait réaliste où la beauté, la dureté et une sorte de résignation se mêlent, sans rendre ce livre plombant.

    De l’attachement viscéral de la narratrice aux constats âpres qui pointent du doigt les contradictions, j’ai frôlé de peu le coup de cœur (oui !) tant j’ai été remuée par cette écriture et par le contenu (j’ai juste trouvé que la deuxième partie, consacrée au fils d’Éva était moins puissante). Sans fard ni pathos mais avec une justesse qui touche le cœur et l'âme, il s'agit d'une lecture très forte qui laisse des traces durables.

    "Votre maison ne vous appartient pas. Votre terrain non plus. Tout ça vous est gracieusement prêté par le gouvernement. N'est-ce pas qu'on est fins ? On vous pique votre territoire, mais on vous le prête après. Est-ce pour ça que vous avez tellement besoin de posséder ? Des motoneiges, des bateaux, des quads, des camions pour faire le tour d'un village de quatre rues. Pour vous échapper de vos maisons surpeuplées où vous vivez les uns sur les autres. Vous manquez d'espace dans votre immensité nordique. Comment ça se fait que toute cette richesse ressemble tellement au tiers-monde ?"