La cygne noire

dominique chevallier

Atelier in8

  • Conseillé par
    2 novembre 2022

    Un jour

    Un cocktail de circonstances particulières amène Suzanne à grandir tel un monstre de vanité, pétrie d'ambitions. On assiste, fascinés, à l'histoire en train de se faire, celle d'une préparation de tout son être à accomplir un but insensé, qu'elle s'est elle-même fixé : un jour, je serai Présidente de la République. Au-delà de l'implacable mécanique de la conquête du pouvoir, avec quelques profils politiques (re)connus en ombres chinoises pour s'amuser, la force de ce récit réside dans la sidération ressentie face à une personnalité hors norme, une comète qui sait manier les codes et jouer de la transgression quand il le faut. Avec une thèse défendue dans cet océan de cynisme : la culture pour sauver l'humanité.


  • Conseillé par
    27 octobre 2022

    Excellent roman qui débute avec une scène tragique certes, mais racontée avec une légèreté qui m'a fait pouffer : "Anne était au volant. La survenue d'un puissant désir allait lui coûter la vie. Cela faisait des mois que Pierre ne l'avait pas touchée. Elle avait soudain eu besoin de tenir son sexe dans la main. Tout en conduisant, elle entreprit d'ouvrir la braguette de son mari. Tentant de venir à bout d'un bouton récalcitrant, elle détourna le regard de la route quelques secondes. Le choc fut effroyable. Anne mourut sur le coup." (p.7) Le reste du roman se déroulera dans le monde politique dans lequel Suzanne s'engage. Elle a trouvé le bon pigeon, celui sur lequel elle va s'appuyer pour grimper. Ce sera Antoine Gouda qui, encore loin dans les sondages, rêve de l’Élysée. Les allusions sont légion, dans les descriptions des personnages, dans certains noms : l'un est un mélange entre Straus-Kahn et Vals et Antoine Gouda/François Hollande : "Suzanne a compris que sur à peu près tous les sujets il choisit d’adopter une position médiane, mais légèrement infléchie vers la gauche afin de se trouver en parfait équilibre sur l'axe central du Parti socialiste." (p.83)

    J'ai ri parfois, jaune souvent tant le roman est réaliste et se moque de la classe politique en général qui vit dans un entre-soi, qui voit d'un mauvais œil cette jeune femme débouler et remettre en cause la prédominance masculine et misogyne. C'est extrêmement vachard et bien vu, méchant et drôle -on peut rire des puissants qui se moquent si souvent de nous. Le cynisme est présent à toutes les pages, celui des élus bien sûr, le mépris, le machiavélisme. Leurs mots sont creux, ils les vident de leurs sens. J'en ai noté des pages, mais je ne peux pas toutes les citer, c'est dommage parce que l'auteur est très observateur et analyse finement les us et coutumes politiques.

    Dominique Chevallier décrit un vieux monde, celui de la politique qui ne sert que quelques privilégiés. Suzanne est une jeune femme éminemment romanesque, ambitieuse, voulant prouver qu'une femme vaut largement un homme voire davantage. Elle fracasse ce panier de crabes. Elle est forte et fragile, mais peu le savent. Un personnage qu'on n'oublie pas aisément qu'on n'a d'ailleurs point envie d'oublier. Et de se prendre à rêver qu'il en existe vraiment des comme elles qui viendraient exploser ce vieux monde...