Le poids des héros

David Sala

Casterman

  • Conseillé par (Libraire)
    3 mars 2022

    Graphiquement exceptionnel

    Il est des histoires trop sombres pour être dessinées en noir et blanc. Elles ont besoin de couleurs éclatantes comme si ces récits étaient suffisamment lourds pour ne pas être lestés par une bichromie sombre et distancielle. Comme si l’outrance des couleurs disait plus que tout, l’horreur de la guerre, de Mathausen, de la dictature franquiste, du nazisme. La couleur brute, sans mélange c’est aussi celle utilisée par les enfants, qui ne connaissent guère les nuances, les demi-tons, les demi-mesures. Le Poids des héros est donc avant tout un roman graphique de couleurs, celles de l’enfance alourdie, plombée par le souvenir de deux aïeux et un cadre accroché au milieu d’un mur familial, un portrait du grand père, inquisiteur ou bienveillant selon le regard que l’on y porte. Ce grand-père suspendu seul sur un mur nu, s’appelle Antonio Soto Torrado. Dénoncé, réfugié, interné, malade, il décèdera comme il l’a décidé, quelques semaines après Franco. Il pèse lourd, très lourd ce portrait pour un enfant de 10 ans habitué à des discussions politiques au cours des repas familiaux, à des palabres sur les droits de l’homme, contre la xénophobie, le racisme l’intolérance. David Sala, marqué par ces paroles, ces souvenirs récurrents, se savait le seul capable de transmettre cette mémoire. Qu’est ce qu’une vie une fois la mort intervenue, si elle n’est pas racontée, sauvegardée? Tout au long de ces 180 pages, le dessinateur se déleste peu peu de ce poids auquel un deuxième grand père, José, combattant, résistant en France contre les allemands apporte quant à lui un témoignage vivant.

    Enfant, David Sala est nourri de ce terreau fertile à l’angoisse, aux cauchemars et il faudra des anecdotes plus banales avec les copains, des parties de foot pour que l’adolescence, comme les fleurs magnifiquement dessinées, lui permette de grandir, de s’ouvrir au monde. Ce sont les années soixante dix qui sont ici illustrées. Papier peint psychédélique, télévision en noir et blanc puis en couleurs, pulls jacquard, cassettes audio, tous ces ingrédients d’une époque révolue parsèment le récit comme une lumière diffuse disant que l’enfance, malgré ce « poids des héros » reste quand même la période de la découverte, de l’enthousiasme, du plaisir.

    Quand les couleurs explosent, même et surtout pour les situations les plus dramatiques, elles revêtent celles de l’expressionnisme soumis aux états d’âme, déformant les corps et trahissant la douleur. Parfois David s’envole comme les personnages de Chagall, fuyant dans l’espace étoilé une réalité trop difficile. On pense à Munch et à son « Cri ». Un grand-père peut dire alors:

    « C’est à travers toi maintenant que mon histoire va survivre. Tu ne dois pas oublier mes souffrances. Tu seras fort de ça mon petit-fils ».

    Finalement, comme pour David, on peut passer à notre tour devant une photo, un portrait d’un de nos ancêtres. Ce cadre posé sur une commode, accroché au mur, on a parfois l’impression qu’il nous parle. Plus sûrement on se parle à soi même en le regardant. On se dit alors qu’il serait bien de laisser une trace pour que nos petits enfants ne nous inventent pas une vie à notre insu. C’est ce que fait avec un talent graphique inouï David Sala en rendant ses souvenirs personnels, universels.


  • Conseillé par (Libraire)
    8 février 2022

    Dans "Le poids des héros", l'auteur David Sala retrace son histoire à travers le prisme de son héritage familial. Il a effectivement grandi avec deux figures imposantes : deux grands-pères républicains espagnols et résistants.

    A hauteur d'enfant, on parcourt l'imaginaire d'un jeune garçon et tout l'impact de ce riche héritage sur sa vie, son quotidien et sa construction. Avec ce roman graphique magnifiait par des couleurs étonnantes l'auteur prend le parti pris de dessiner l'horreur en couleur ce qui vient formidablement bousculer le lecteur.

    Une expérience de lecture unique riche en émotions qui explore la question du poids de l'histoire, de la nécessité de la mémoire, et surtout de la transmission.


  • Conseillé par (Libraire)
    8 février 2022

    Dans "Le poids des héros", l'auteur David Sala retrace son histoire à travers le prisme de son héritage familial. Il a effectivement grandi avec deux figures imposantes : deux grands-pères républicains espagnols et résistants.

    A hauteur d'enfant, on parcourt l'imaginaire d'un jeune garçon et tout l'impact de ce riche héritage sur sa vie, son quotidien et sa construction. Avec ce roman graphique magnifiait par des couleurs étonnantes l'auteur prend le parti pris de dessiner l'horreur en couleur ce qui vient formidablement bousculer le lecteur.

    Une expérience de lecture unique riche en émotions qui explore la question du poids de l'histoire, de la nécessité de la mémoire, et surtout de la transmission.


  • Conseillé par
    27 janvier 2022

    David Sala parle de son enfance au milieu des années 70 et au début de la décennie suivante. Les copains, la musique, les discussions anarchistes de ses parents et le parcours de ses grands-pères qui, tous deux ont fui l'Espagne franquiste et se sont retrouvés dans des camps en France.

    Ce fut ensuite, la Résistance pour l'un d'entre eux et la rencontre avec sa future femme suite à une évasion risquée et l'internement à Mathausen, pendant quatre ans pour l'autre.

    Faire un album hommage aux grands-parents ou aux parents qui ont vécu les guerres est un exercice fréquent et qui peut être périlleux, parce que pas forcément original et donc souffrant des comparaisons. David Sala prend des options que j'aime beaucoup : celle de raconter à la fois la vie de ses grands-pères et son enfance et son adolescence, lorsque point la nécessité de sauvegarder ces histoires, de les transmettre ; il opte pour des couleurs en phase avec l'époque -pour qui a vécu dans ces années-là, les papiers-peints et couleurs des vêtements feront naître des souvenirs- et des cases fleuries et colorées vivement pour faire appel à l'imaginaire et "approcher les zones d'ombre et les failles à bonne distance" (note de l'éditeur). Le tout donne un ouvrage absolument pas pesant, même si certaines pages racontent l'horreur et sont dures.

    C'est un travail formidable pour un album qui ne l'est pas moins, et pour pesante que soit la présence des deux grands-pères, elle n'empêche pas le jeune David d'avancer, de construire son projet. Dans l'exercice, je le disais plus haut, périlleux de l'album-hommage, David Sala s'en sort très aisément d'abord parce que les histoires de ses grands-pères sont fortes et utiles à rappeler "Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde" (Bertold Brecht, cité p.91) -surtout en ces moments où la parole de certains tend à minimiser les faits historiques voire à les transformer- et ensuite, parce qu'il ose l'originalité des couleurs et de la narration à travers ses yeux d'enfant et d'ado. Ce travail permet de se libérer ou de s'alléger du poids des héros.