Eugenia

Lionel Duroy

J'ai Lu

  • Conseillé par (Libraire)
    30 août 2019

    Comprendre les bourreaux pour mieux les combattre

    C’est un cordonnier. Ce 29 juin 1941, il rentre chez lui auprès de sa famille, pour diner après une chaude journée estivale. Hier, il a discuté avec ses voisins. Juifs. Ce matin, il est allé acheter une hache et a tué le couple et ses trois enfants. Ce soir la vie a repris son cours. Depuis des années, Lionel Duroy, cherche à comprendre ce passage aux actes les plus odieux, cette perte d’humanité qui rend l’autre plus insignifiant qu’un animal.

    Ce cordonnier presque anonyme a participé à l’un des plus grands pogroms de l’Histoire, celui qui extermina à Jassy, ville roumaine proche de la frontière soviétique, 13 226 juifs, soit près de la moitié de la population. C’est Eugenia, native de Jassy, qui va nous raconter ce pogrom, elle qui a baigné comme toute la population, dès sa plus tendre enfance dans un antisémitisme partagé, et qui prendra conscience de l’horreur de cette haine de l’autre grâce à une rencontre avec Mihail Sebastian, auteur roumain juif, qui décèdera en 1947 dans un accident.
    S’appuyant sur le Journal et les écrits de Sebastian, Lionel Duroy montre à la fois le terreau culturel et le racisme qui enveloppent toute la société roumaine, à l’encontre des juifs.
    Eugenia, par l’écriture de Lionel Duroy, comprend rapidement que ce ne sont pas les paroles des victimes qui expliqueront le passage de l’état d’Homme à celui de bourreau. Aussi c’est la parole des assassins, des idéologues, que ce roman essaie de faire entendre. Qu’il y a t’il en eux, de différent, de cassé, d’absent, pour qu’un vieil homme puisse battre une femme en hurlant : « Saleté, éructait-il. Saleté de youpine! Tu vas crever, oui, ou t’en veux encore? ».
    Près de 80 ans plus tard, le récit de la montée des extrêmes, du racisme, des préjugés, trouvent un écho terrible dans les actualités quotidiennes. Lionel Duroy, explique que ce roman est né de l’image d’un croche-pied que fait une cadreuse hongroise à un réfugié qui porte un enfant dans ses bras, pour l’empêcher de franchir la frontière. Geste qu’elle renouvelle et filme. S’il n’explique pas ce geste « Eugenia » proclame l’absolue nécessité pour l’Homme de le condamner inlassablement. Et de ne pas le commettre.

    Eric