Mistral perdu ou les événements

Isabelle Monnin

JC Lattès

  • Conseillé par
    7 septembre 2017

    Ce roman (mais est-ce vraiment un roman tant il a la beauté de ce qu'on a vécu avec les tripes?) est à la fois celui d'une génération entière, ceux qui ont cru à Mitterrand alors qu'ils n'avaient même pas l'âge de voter (il me faut régulièrement faire les compte pour me persuader qu'il est mathématiquement impossible que j'aie un jour mis un bulletin de vote à son nom dans une urne) et à qui ça fera mal au ventre de devoir imposer une minute de silence en son honneur à une classe après son décès, tellement la déception fut grande. La génération "Devaquet au piquet", celle qui pleure sur le destin de Slimane, issu de la seconde génération et grand frère de Malik Oussekine, et finit avec un chanteur qui embrasse les flics (je n'ai rien contre les policiers en soi, c'est juste un symbole) mais se moque des bobos car, ça ne mange pas de pain

    . Evidemment, comme Isabelle Monnin parle très bien de cette période, il y a déjà de quoi me conquérir. Mais c'est aussi un roman sur le "nous", celui de deux sœurs, qui va, par la force des choses, devenir un "je". C'est une magnifique déclaration à une sœur qui disparaît mais qui continue de faire partie de la vie, qui ne connaîtra jamais ses neveux alors qu'elle fera partie intégrante de leur univers. C'est un très beau roman sur la perte de l'autre partie du "nous", mais aussi sur le lien entre sœurs qui m'a beaucoup émue. Et puis, il y a ces phrases qui reflètent une réalité qui ne doit pas avoir beaucoup changé:
    Tous les adolescents (sauf les parisiens, mais je ne le découvrirai que plus tard) connaissent la géographie du car scolaire: ne s'assied pas au fond n'importe qui. Les cinq ou six places de la dernière rangée sont réservées aux seigneurs de cette petit société, les garçons crâneurs et les filles à la mode. Plus on se rapproche du chauffeur, plus on descend dans la hiérarchie collégienne.
    J'ai envie de vous citer dix autres phrases, sur les chemins que l'on prend dans la vie, sur les mots qu'il devient indispensable de poser une feuille après les chagrins qui submergent, d'ailleurs je ne résiste pas à celle-ci: les poser sur la page c'est attraper de l'eau avec ses mains, une petite lutte vaine et nécessaire contre l'oubli puisque la mort dure trop longtemps, sur ces chansons qui nous font pleurer.
    Je ne sais pas si vous sentez mon émotion, ni à quel point j'ai adoré ce roman. Puisse-t-il vous toucher aussi.


  • Conseillé par
    5 septembre 2017

    Récit de deuil(s)

    Deux sœurs dans une relecture de quelques chansons de Renaud et de bien d’autres. L’une raconte et l’autre vit sa vie de cadette en toile de fond. Tout les unit, Mitterrand président, le Hit-Parade, la Nationale 20, la chute du mur, Desproges … mais également les petits et grands copains, les amis, les amours. Je me sens proche d’elles et mon cœur bat à l’unisson. Isabelle Monnin me raconte une histoire qui pourrait être la mienne.
    Mais, ce n’est pas mon histoire, c’est bien celle d’Isabelle Monnin qui va, au fil de ces pages magnifiques, évoquer ses joies et ses peines, sa relation très forte avec sa sœur de trois ans sa cadette.
    "Nous sommes deux" dit-elle et c’est ainsi qu’elle présente ces deux vies parallèles qui se ressemblent et s’unissent au gré des événements politiques, familiaux, musicaux, littéraires, etc ... Et, il y a les deuils qui jalonnent une vie et laissent à jamais le cœur blessé. Parler de la perte est un sujet récurrent chez l’auteur.
    Que restent-ils de nos amours ? « Avons-nous gagné quelque chose de ce que nous avons perdu ? » Le 33 tours qui tourne sur la platine et les souvenirs égrainés comme un chapelet. Renaud est le symbole des belles années, celles de l’insouciance et de la rébellion. Il a vieilli lui aussi, il a souffert, il a perdu le Mistral mais il reste dans le cœur d’Isabelle Monnin comme le symbole parfait de cette émotion indéfectible quand elle évoque sa sœur et le petit enfant, tous deux disparus à jamais.

    Ce récit est émouvant et troublant. Bien-sûr il fait appel à nos propres souvenirs et à nos douleurs, à ces trous immenses dans les tablées du dimanche, à ces adieux inconcevables. J’ai perdu une sœur, peut-être suis-je alors plus sensible qu’un autre lecteur à ce texte fort et si juste sur le plan de l’émotion.