Les enfants de Venise

Luca Di Fulvio

Éditions Slatkine

  • Conseillé par
    5 mai 2017

    Italie, 1515. Orphelin des rues de Rome, Mercurio est un voleur doué, un arnaqueur, un as du déguisement. Avec ses complices, Benedetta, la belle rousse, les inséparables Zolfo et Ercole, il monte des combines pour détrousser les passants. Le destin bascule le jour où il dérobe la bourse pleine d'or du marchand juif Shimon Baruch. Effrayé mais déterminé à récupérer son bien, Baruch les retrouve. Il tue Ercole et Mercurio le laisse pour mort. La petite troupe doit fuir Rome et choisit Venise pour commencer une nouvelle vie. Leur route croise celle du capitaine Lanzafame qui rentre victorieux de la bataille de Marignan. Avec lui, voyagent déjà Isacco de Negroponte et sa fille Giuditta. Lui est un escroc qui s'est improvisé docteur et soigne les soldats blessés, elle est une jeune fille qui va pour la première fois vivre avec son père et rêve de la Sérénissime où les juifs sont libres. Derrière eux, un moine fanatique s'est lancé à leur poursuite, animé par la haine des juifs. Loin de cette haine, Mercurio et Giuditta tombent amoureux au premier regard. Mais alors qu'ils embarquent pour Venise, Zolfo et Benedetta préfèrent suivre l'homme d'église. Ami fidèle, Mercurio quitte aussi le bateau avec une promesse criée à sa bien-aimée : ''Je te retrouverai...''.

    On retrouve avec grand plaisir le souffle romanesque de Luca Di Fulvio qui sait si bien raconter la misère, l'amour, l'amitié, les trahisons, la vengeance, le destin. Il nous emmène ici à Rome, Mestre et Venise dans un début de XVIè siècle qui poudroie, flamboie et cherche ses marques. La Sérénissime est le lieu de toutes les intrigues, miséreux, escrocs, voleurs y côtoient princes, nobles dames et courtisanes. L'époque est trouble, Rome voudrait y affirmer son pouvoir mais la Cité des Doges aime son indépendance. Les juifs y vivent librement même si quelques métiers leur sont interdits et qu'ils doivent porter un bonnet jaune pour être identifiés. Cependant, les superstitions planent et, pour certains, ils ne sont que des suppôts de Satan, les fils du diable. Le fanatisme religieux et l'inquisition les menacent et l'inquiétude règne. D'autant que Venise est victime du ''mal français'', les prostituées y succombent dans d'affreuses souffrances; la punition de Dieu envers ceux qui s'éloignent de sa voie.
    Dans ce contexte historique bien décrit et le décor de cette ville d'eau et de pierre, Luca Di Fulvio implante sa version de Roméo et Juliette. Une histoire d'amour impossible entre une juive et un chrétien qui n'est pas digne d'elle, selon son père. Les obstacles seront nombreux sur leur chemin : un ennemi de haut rang, un moine fanatique, une femme jalouse, un père hostile, et même le clergé vénitien qui prend la décision d'enfermer les juifs dans un ghetto. Mais les soutiens ne manqueront pas non plus, à commencer par l'amour qui triomphe toujours de tout.
    Un bon gros roman comme on les aime où souffle l'aventure, l'héroïsme, les grands sentiments, avec des personnages attachants, comme d'habitude avec cet auteur qui traite ses seconds rôles avec attention et bienveillance. L'histoire est aussi addictive que celle du Gang des rêves mais moins originale, plus attendue. Le triangle amoureux a déjà été exploité à l'envi, l'amour contrarié aussi, heureusement Mercurio et Giuditta, Benedetta, Lanzafame, Anna, Isacco et tous les autres apportent leurs feux, leurs personnalités, leurs forces à ce roman-fleuve, magnifique malgré tout.