Là-haut tout est calme

Gerbrand Bakker

Gallimard

  • Conseillé par
    23 octobre 2010

    Helmer van Wonderen vit depuis trente-cinq ans dans la ferme familiale, malgré lui. C'est Henk, son frère jumeau, qui aurait dû reprendre l'affaire, mais il a disparu dans un tragique accident à l'âge de vingt ans. Alors Helmer travaille, accomplissant les mêmes gestes, invariablement, machinalement. Un jour, sans raison apparente, il décide d'installer son vieux père au premier étage, de changer de meubles, de refaire la décoration de la maison...

    Voilà le début de la quatrième de couverture. Si je vous l’ai indiquée, ce n’est pas par pure fainéantise ( même si l’on pourrait le croire) mais parce que dans ce livre le rythme est important, fondamental même. Helmer âgé de 55 ans vit au rythme du travail à la ferme lié aux saisons, au temps. Des journées où la solitude est interrompue par la visite de la voisine ou de ses jeunes garçons. Suite à la mort de son frère jumeau, Helmer n’a pas eu le choix face à son père d’arrêter ses études et de travailler à la ferme. Un père autoritaire qui dirigeait et décidait pour tout le monde. L'installer à l'étage, là-haut permet à Helmer de mettre fin à la domination de ce père âgé.
    Un jour, Helmer reçoit une lettre de l’ancienne fiancée d’Henk. Elle lui demande de donner un peu de travail à son plus jeune fils nommé Henk. Entre souvenirs et présent, Helmer tente de trouver sa place et sa vie. Lui qui n'a vécu jusqu' à présent qu'en étant le "remplaçant" d'Henk. Même ci se roman parait calme, on ressent toute la violence, le désarroi qu’Helmer a enfoui, accumulé pendant toutes ces années. Tous ces évènements vont permettre à Helmer de choisir et de réaliser ce qu’il veut réellement faire. A la question : peut-on changer de vie à et trouver son bonheur ? Ce roman nous donne la réponse.
    Un livre qui demande seulement qu’on prenne le temps de se caler soi-même sur le rythme. Il faut prendre le temps, s'en imprégner et pour ma part, j'en suis ressortie troublée. L’éveil de cet homme à sa propre vie est tout simplement beau..
    Comme pour "Rosa Candida", il m’a fallu quelques pages pour rentrer dans ce livre.


  • 13 octobre 2010

    J'étais en quête d'un bon roman pour commencer cet automne, d'un formidable compagnon pour ralentir le temps, pour pénétrer dans une bulle de douceur contemplative. J'ai ouvert ce roman et j'ai pris mon temps...

    Helmer vit seul. Dans la ferme familiale, son père se prépare au grand et ultime voyage.

    Un beau matin, Helmer décide d'installer son père dans la chambre "là-haut", où "tout est calme". Est-ce déjà l'antichambre du paradis?

    Les journées s'écoulent en compagnie des animaux. Le temps s'étire. Le quotidien est rythmé par les travaux de la ferme.

    J'attends. Le journal est devant moi, sur la table, mais je ne peux pas lire. Je suis assis, les yeux fixés au-dehors. La pendule ronronne, tout est calme là-haut, il reste quelques gorgées de café froid dans ma tasse. Il n'y a pas que là-haut que c'est calme, c'est calme partout, la pluie bat doucement sur le rebord de la fenêtre, la route est mouillée et déserte. Je suis seul, je n'ai personne contre qui me blottir."

    Helmer a une vie brisée depuis la mort de son frère jumeau Henk. Il tente d'enterrer les souvenirs mais Riet,la fiancée de Henk réapparaît dans sa vie.

    Gerbrand Bakker brosse le portrait de personnages rudes aux creux de ce roman d'atmosphère. Le père tyrannique et machiavélique me rappelle certains personnages de Mauriac.

    Le thème de la gémellité pred tout son sens dans cette quête quotidienne du bonheur pour Helmer: tenter d'oublier la disparition de son frère noyé en s'immergeant à son tour dans l'eau à Heather Hill. Plonger pour mieux refaire surface et faire ce constat heureux ou malheureux de sa solitude et de sa singularité.

    La narration est ponctuée par l'apparition d'une corneille mantelée. L'oiseau serait-il de mauvaise augure? Tenterait-il d'annoncer la mort?

    Je vous laisse découvrir ce sublime roman, cette renaissance symbolique d'un homme qui toute sa vie s'interroge sur sa condition de "moitié d'homme".


  • Conseillé par
    31 août 2010

    Rares sont les romans traduits du néerlandais mais ils réservent souvent de belles surprises. Celui-ci n’échappe pas à la règle. A peine lues les premières pages, on entre dedans sans rechigner ni se poser de question, pris par le déroulement de cette histoire qui ne ressemble à aucune autre.

    Helmer Van Wonderen, la cinquantaine bien avancée, vit dans la ferme familiale. Le roman s’ouvre alors qu’il installe son père, malade, impotent et autoritaire, dans une chambre à l’étage tandis que lui prend celle de son père et se lance dans quelques travaux d’aménagement du rez-de-chaussée, chassant couleurs tristes, tableaux déprimants et horloge bruyante. Est-ce cette simple décision qui va bouleverser la vie d’Helmer, une vie jusque là tranquille, trop tranquille, bercée par les soins à donner aux animaux et les saisons?

    Helmer n’a pas choisi sa vie. La mort de son frère jumeau l’a, non seulement privé d’un appui essentiel dans la vie, mais aussi de sa liberté. Par fidélité, il a, en effet, décidé de prendre la place de son frère, abandonnant ses études et la voie qu’il avait choisie, pour s’occuper de la ferme. Helmer s’en rend compte : en fait, il vit une vie qui n’est pas la sienne. Mais comment faire pour en changer? N’est-il pas trop tard? Quelques évènements, des rencontres, des souvenirs vont peu à peu le pousser à sortir de sa réserve, à briser sa carapace.

    Là-haut, tout est calme est un roman paradoxal. Il s’en dégage quelque chose d’indéfinissable et pourtant, si l’on scrute bien entre les lignes, rien d’extraordinaire dans ce livre. Pas de meurtre, pas de voyage au Japon, pas de contexte historique ou exotique… Au contraire, la vie d’Helmer est d’une banalité affligeante. Pourtant, une fois commencé, on ne peut se détacher de cette histoire. L’ambiance de la ferme, la beauté simple des paysages, les pensées et les souvenirs d’Helmer, sa curieuse relation avec son père, sa recherche patiente et obstinée d’un bonheur qu’il n’ose même pas imaginer… tout concourt à scotcher le lecteur à ce récit sans prétention mais sans faiblesses non plus!


  • Conseillé par
    17 août 2010

    une oeuvre subtilement dérangeante

    Cette lecture m'a transportée tant l'écriture est belle est l'histoire intelligemment construite. Le titre, déjà, recèle, pour qui vient d'achever le roman de Gerbrand Bakker, toute l'ambiguité des personnages. Il peut se comprendre à plusieurs niveaux.

    Le personnage principal, un fermier taciturne de cinquante-cinq ans, décide, un jour, de monter à l'étage son père, devenu grabataire, et de rendre sien l'espace du bas. Il arrache moquettes et tapisserie, jette le mobilier et se crée un univers épuré, sans plus aucune trace, ou si peu, de ceux qui ont occupé les lieux. Le titre peut évoquer cette soudaine rebellion. La pièce où il confine son père et le regarde s'éteindre peu à peu serait une antichambre de ce "Là-haut" où "tout est calme" que certains pensent gagner après leur mort.

    A moins que ce "Là-haut" ne soit le Danemark, pays qu'Helmer van Wonderen rêve d'habiter... Il n'a pas choisi de s'occuper de la ferme familiale, d'être rivé depuis trente-cinq ans à ce petit endroit au Nord de la Hollande. C'était le rôle dévolu à son jumeau... Lui voulait poursuivre ses études et partir... Seulement Henk, son frère, est mort dans un accident de voiture, et le père lui a ordonné de prendre la place de celui qui n'était plus là...

    Et si tout simplement, ce titre parlait du ciel, de cette météo si importante pour les paysans, de ce "Là-haut" porteur de pluies et d'éclaircies qui rythme les heures, les jours, les années. Ce rythme est tellement calme, immuable qu' Helmer ne s'est pas rendu compte que le temps passait et qu'il était déjà vieux.

    C'est peut-être l'apparition d'une corneille mantelée qui va réveiller notre homme de son existence "mécanique" et vide de sens. Gerbrand Bakker semble faire de cet oiseau, qui s'obstine à se percher sur un arbre devant la maison, le symbole de la mort. Celui-ci paraît être présent pour recueillir le dernier souffle du patriarche mais aussi pour aiguillonner Helmer afin qu'il se décide à s'affirmer, à exprimer sa vraie nature, même si pour cela, il doit décevoir ce père, figure monolithique du paysan un peu borné.

    Ces quelques éléments ne suffisent pas à résumer cette oeuvre où ce qui n'est pas écrit, où ce qui n'est pas dit est probablement le plus important. L'essentiel est à rechercher dans les blancs de la page ou les silences...

    Du grand art !