Pas trop saignant

Guillaume Siaudeau

Alma Éditeur

  • Conseillé par
    12 octobre 2016

    Court et beau roman. Beau autant dans l'histoire que dans la manière de la raconter. Guillaume Siaudeau use souvent d'images, fait appel à notre imagination :

    "La perfusion est composée de plusieurs couches distinctes de liquide, chacune de couleur différente. Elle ressemble à un arc-en-ciel qu'on aurait mis à plat, et c'est au tour du liquide jaune de faire son job. Chaque couleur est censée soigner un symptôme spécifique, et le jaune a pour vertu de redonner un peu de moral aux troupes. Il faudra attendre la verte pour que le nœud dans l'estomac soit complètement défait, et la rose pour que les pulsions suicidaires s'éteignent complètement. Il restera enfin aux couleurs orange, bleue et mauve à s'occuper des dernières instabilités physiques et psychiques, jusqu'à la dernière goutte." (p.20)

    Ces images, nombreuses, donnent une poésie certaine à ce roman, de la mélancolie et un soupçon d'irréalité dans une situation pourtant bien réelle. Tout au long du livre, on y croit, mais reste en nous la sensation que Joe peut vivre un rêve...

    Construit en petits chapitres, plein de belles phrases que je ne peux citer ici, il serait fort dommage de les sortir du contexte du chapitre entier, on en perdrait le sel et la poésie, cet ouvrage est un délice, une douceur à déguster ; ça ne prendra pas trop de temps, puisqu'il ne fait que 133 pages, mais restera en vous un sentiment d'avoir lu un roman qui bouscule et émeut. Pourtant, rien de larmoyant, il est mélancolique et joyeux, triste et plein d'espoir, sans oublier un zeste d'humour, notamment lorsque Guillaume Siaudeau parle des forces de l'ordre : "Dix tasses de café vides attendent d'être remplies près d'un panier de croissants. Qui s'est déjà risqué à travailler le ventre vide sait que c'est une belle connerie. Un homme bien nourri en vaut deux. Certains même parviendront peut-être à décupler l'effet d'un croissant, jusqu'à valoir trois hommes. Tout ça n'est qu'histoire complexe de morphologie et d'absorption des sucres." (p.98)

    Une très belle plume que celle de Guillaume Siaudeau, j'aime beaucoup son roman, le ton de son écriture qui use de poésie et de considérations on ne peut plus naturelles dans une même phrase, voire même met de la poésie dans ces considérations naturelles. Il a écrit deux autres romans chez le même éditeur, Alma, aux titres qui me laissent en penser le meilleur, mais que je n'ai pas lus : Tartes aux pommes et fin du monde (2013) et La dictature des ronces (2015).